Par Laura Wincker
Article paru dans la revue N°204
Ce sujet a été mis à la mode par l’ouvrage Da Vinci Code. Elle apparaît comme étant la compagne présupposée du Christ. Mais qui était Marie-Madeleine en réalité ? Les évangiles se réfèrent à la présence des «Saintes Femmes» qui accompagnent Jésus. Marie-Madeleine apparaît à quatre reprises mais en fait, trois personnages se confondent dans la figure de cette femme.
La Pécheresse repentie
Marie-Madeleine apparaît d’abord comme la Pécheresse repentie, la prostituée de laquelle Jésus va extraire sept démons. Lorsque le Christ se rend chez Simon au commencement de sa prédication, une femme apparaît, et va l’oindre avec des parfums, pleurer à ses pieds, les lui laver et les essuyer avec ses cheveux : lorsque Simon réagit en demandant au Christ pourquoi il se laisse toucher par cette femme impure, le Christ lui répond : «Tous ses péchés seront remis car elle a montré beaucoup d’amour» (Luc). Ainsi Marie-Madeleine est-elle associée aux notions de purification et de rédemption.
Marie de Béthanie
Marie-Madeleine se confond ensuite avec Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare.
À l’approche de sa crucifixion, le Christ se rend chez Simon le Lépreux où apparaît de nouveau Marie de Béthanie, qui va venir l’oindre complètement d’un parfum très riche. Lorsque Judas parle de gaspillage, Jésus lui répond de la laisser faire, car il s’agit en réalité de son onction funèbre.
Les quatre Évangélistes évoquent la présence de Marie-Madeleine au pied de la Croix en compagnie des autres Saintes Femmes, Marie et sa sœur. Selon l’apôtre Jean, c’est Marie de Magdala qui constate le tombeau vide, qui voit la première le Corps de Gloire du Christ et parle à Jésus ressuscité. Celui-ci la charge de transmettre ses paroles aux apôtres.
Marie-Madeleine en France
L’avènement de Marie-Madeleine en France est d’abord lié à cette traversée de la Méditerranée, miraculeuse, extraordinaire, avec famille et compagnons sur un frêle esquif sans voile, jusqu’au petit port des Saintes-Maries-de-la-Mer. Elle transmet l’Évangile à Marseille et dans sa région, pour s’installer ensuite dans une grotte qui deviendra la Sainte-Baume, lieu de pèlerinage et de vie monastique.
À partir du Vème siècle, des récits la citent et l’associent à Saint-Maximin où elle aurait été enterrée. Des pèlerinages ont lieu et, tout au long du Moyen-Âge, on emprunte le «Chemin des Rois». En 1295 sont construits un couvent et la basilique gothique St Maximin, protégée par les Dominicains. Cet endroit reste un lieu de pèlerinage assez fréquenté jusqu’à la destruction de la basilique et de la grotte à la Révolution, puis tout sera restauré en 1859.
Les traces de Marie-Madeleine dans les Évangiles dit «apocryphes»
Depuis la première moitié du XXème siècle, l’on a des indications parallèles sur la figure de Marie-Madeleine, que nous livrent les textes gnostiques et les Évangiles dits «apocryphes». (1) Parmi ces nombreux évangiles, Marie-Madeleine est en réalité très peu citée, l’on a trois éléments que l’on peut associer à sa présence.
La compagne de Jésus
L’Évangile de Philippe fait allusion à Marie de Magdala comme compagne de Jésus : «Trois marchaient toujours avec le Seigneur, Marie sa mère et la sœur de celle-ci, et Myriam de Magdala que l’on nomme sa compagne. Car Myriam est sa mère, sa sœur et sa compagne. […]
Le Seigneur aimait Marie plus que tous ses disciples et il l’embrassait souvent sur la bouche. Les autres disciples le virent aimant Marie et lui dirent : «Pourquoi l’aime-tu plus que nous tous ?» Le Sauveur leur répondit et dit : « Comment se fait-il que je ne vous aime pas autant qu’elle ?»[…]».
Ce texte évoque les noces spirituelles, mystiques entre Dieu et l’âme humaine déchue, qui se réalisent grâce au Souffle, l’Esprit, que communique le Christ à ses véritables disciples initiés par un baiser sur la bouche, pour les faire entrer dans la chambre nuptiale. C’est également par le baiser que s’opère la transmission entre initiés.
Marie-Madeleine, modèle du disciple parfait
Myriam de Magdala apparaît plus logiquement comme le modèle du disciple parfait. C’est la raison pour laquelle les autres disciples sont jaloux. Symboliquement elle présente l’union du masculin et du féminin comme l’image en ce monde de l’union de l’âme à Dieu.
C’est l’union de l’anima-animus, l’union du Roi et de la Reine que l’on trouve dans l’Alchimie, union qui donne naissance au Soi, l’Enfant de Lumière, l’Enfant de Sagesse, le «Germe d’Or». C’est l’Illumination, le moment où l’âme se restitue jusqu’à son plan céleste.
Le maître représente le maître extérieur mais aussi le maître intérieur, le Principe du Logos qui, par la voie de la Sagesse, en union avec l’âme, conduit à cet état d’éveil, de restitution. Il s’agit donc d’une union purement spirituelle et de cette Etreinte sacrée, ne naît pas un être de chair, ce qui serait, pour les Gnostiques, descendre encore dans la matière et donc dans l’obscurité, mais une âme lumineuse qui remonte au Ciel.
Marie-Madeleine, la mémoire de Jésus
Dans l’Évangile dit «de Marie», Marie-Madeleine est présentée comme celle qui conserve le souvenir de Jésus, que les autres disciples ne connaissent pas. Elle est une sorte de mémoire. Pierre dit à Marie : «Sœur, nous savons que l’Un Seigneur t’a aimée différemment des autres femmes. Dis-nous les paroles qu’Il t’a dites, dont tu te souviens et dont nous n’avons pas connaissance.»
André met en doute les propos de Marie, relayé par Pierre qui ajoute : «Est-il possible que l’Un Seigneur se soit entretenu avec une femme sur des secrets que nous nous ignorons ? Devons-nous changer nos habitudes, écouter tous cette femme ? L’a-t-il vraiment préférée à nous ?»
Il s’agit donc d’une véritable relation maître-disciple, le disciple étant dépositaire du secret ultime, c’est l’initié qui a reçu l’enseignement.
Les deux modèle de Marie-Madeleine : la Vierge et l’Amante
Les textes bibliques et évangéliques mentionnent deux archétypes féminins que l’on retrouve dans le christianisme : la Vierge, qui apparaît en réalité avant les Évangiles, comme l’archétype de la Mère, la Déesse-mère universelle, Démeter ; l’Amante divine ou la «prostituée», la maîtresse, la fiancée, la courtisane, celle qui est amoureuse, qui apparaît déjà en Mésopotamie avec le mythe d’Ishtar, riche et complexe, autre facette de l’archétype Aphrodite.
L’archétype de l’Amante sous-tend l’interprétation symbolique, gnostique, du «mythe» de Marie-Madeleine : le Christ est présence de la Lumière, du Logos, et Marie-Madeleine symbolise la Sainte Fiancée, l’âme qui cherche par l’intermédiaire d’Éros à s’unir de façon mystique à cette Lumière.
«Lorsque vous ferez les deux êtres un, que vous ferez le dehors comme le dedans, et le haut comme le bas, et si vous faites le mâle et la femelle en un seul afin que le mâle ne soit plus mâle et que la femelle ne soit plus femelle, alors vous rentrerez dans le Royaume.»
L’Évangile de Thomas évoque ainsi la nécessaire recherche d’une complétude, d’une unité, d’une harmonie pour s’accomplir, en assumant la dualité du monde, ses difficultés.
Dans une autre clé, Marie-Madeleine et l’Apôtre Jean sont deux figures initiatiques. Jean représente le pôle masculin, en rapport avec le Logos, c’est l’enseignement ésotérique ; Marie-Madeleine est le pôle féminin lié à l’Amour, à l’Eros, c’est la puissance de l’immanence qui reçoit la Lumière.
Ainsi, Marie-Madeleine présente de multiples visages, un mystère que l’Histoire n’a pas fini d’élucider.
(1) Voir article sur écrits gnostiques page 10
A lire
Les sept visages de Marie-Madeleine, Jacqueline Kelen, Les éditions du Relié, 2006
Marie-Madeleine et le Grand Œuvre, Brigitte Barbaudy-Ngoma, MCOR, 2004
Marie-Madeleine et Jésus, Richard Khaitzine, MCOR, 2005
Je vous béni avec Jésus et Marie, soyez forts de votre foi en Dieu.
Mgr Antonio Maria
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